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Folie dépensière

Mr le Maire vient de confirmer son intention de faire racheter le cinéma par la commune.

Cette folie dépensière qui l’anime depuis son élection aura-t-elle une fin ?

Son seul argument est que « l’activité liée aux deux salles de cinéma est essentielle pour la ville ».

Bizarrement il n’évoque aucunement l’intérêt culturel éventuel d’une telle acquisition alors même qu’il a confié l’analyse de ce dossier à la commission culture du conseil municipal.

C’est bien sûr parce qu’il sait pertinemment qu’il n’y a aucun enjeu culturel lié à la disparition éventuelle du cinéma de Quiberon compte tenu de tous les modes de consommation substitutifs qui existent désormais.

Une fois encore, il s’agit de satisfaire l’appétit insatiable des bistrotiers, marchands de soupe et marchands de chiffons quiberonnais.

Au motif de défendre l’attractivité touristique de la ville, il s’agit en fait d’éviter que la part du marché « ballade+petits achats+ciné+resto » des commerçants quiberonnais ne baisse au profit des multiplexes de Vannes, Auray ou Lorient.

Ce risque est bien réel, avec l’ouverture du miniplexe d’Auray, mais en quoi revient-il au contribuable quiberonnais d’y apporter une solution ?

Pourquoi les bistrotiers, marchands de soupe et marchands de chiffons quiberonnais qui poussent à la roue pour ce rachat ne prennent-ils pas eux-mêmes l’initiative d’un tel rachat si cela est si important pour eux ?

Tout simplement parce que l’exploitation future de ce cinéma, dont le mode n’est d’ailleurs même pas déterminé, sera de toutes façons catastrophique en termes de résultats financiers.

Nos commerçants, qui flairent l’argent comme les chiens flairent les crottes de leurs congénères, par atavisme, le savent très bien et aucun d’entre eux ne se risquerait à miser un euro dans une telle affaire.

Mr Maire le sait très bien aussi car c’est bien évidemment pour cela que le notaire n’a reçu aucune offre de reprise du cinéma.

Pour justifier de l’embauche d’une personne et demi en sus du rachat, l’on nous fait désormais miroiter l’hypothèse de 25 000 entrées (le chiffre des supposées bonnes années, remontant à Mathusalem sans doute) alors même que l’association de la troisième roue du carrosse angevin candidate à l’exploitation n’en espére que 18 000 et que la réalité des dernières années était plutôt à 10 000 !

Les membres du conseil municipal vont-ils avaler ces salades sans rien dire le 22 juin prochain ?

Va-t-il y en avoir un pour dénoncer cette folie dépensière puisque hors l’achat des murs et du fonds pour un prix abracadabrant il faudra aussi compenser ad vitam aeternam des pertes récurrentes non négligeables ?

D’où Mr le Maire et sa ministre de la culture tirent-il l’idée qu’un cinéma est nécessaire pour une station balnéaire ?

Ignorent-ils que la fréquentation cinématographique la plus forte se situe en automne, en Décembre et au printemps et que les mois de Juin, Juillet, Août et Septembre sont les plus faibles de l’année ?

Comment espèrent-ils compenser les handicaps qui affectent aussi, selon le CNC (Centre National du Cinéma), les petits établissements comme celui qu’ils veulent reprendre ?

Hors la question de la fréquentation, ces petits établissements encaissent en effet une recette moyenne par entrée (RME) d’autant plus faible qu’ils sont petits (-18,6 % pour les établissements faisant moins de 80 000 entrées / moyenne) et d’autant plus faible qu’ils sont situés dans des petites villes (-10 % pour les établissements situés dans des villes de moins de 10 000 habitants / moyenne).

Madame la ministre de la culture, aux spectacles peu courus, va peut-être chanter au conseil municipal la même antienne que la troisième roue du carrosse angevin, le complice de Mr Leroy dans sa politique trotskyste d’infiltration de l’univers associatif, à savoir que le salut viendra de la qualité d’une programmation Art et Essai.

Manque de chance, toujours selon le CNC, la RME des salles Art et Essai est 11 % inférieure à la moyenne et 14,5 % inférieure à celle des autres salles parce que le cahier des charges Art et Essai impose une part "d'oeuvres d'auteurs" difficilement vendables sans effort sur le prix des places !

Ces handicaps, liés à une incapacité plus générale des petits cinémas à obtenir la programmation la plus attractive, ne sauraient être corrigés ni par un employé municipal ni par quelque association de bénévoles.

S’agissant des chiffres de fréquentation, mesdames et messieurs les conseillers municipaux vont aussi devoir y réfléchir à deux fois

La fréquentation moyenne des cinémas est en effet en France de 3,2 fois par habitant/an soit un potentiel de 16 000 entrées sur Quiberon et de l’ordre de 19 000 pour la presqu’île en ne retenant les St Pierrois que pour moitié. L’objectif de 25 000 entrées est donc totalement irréaliste puisqu’il supposerait, outre la captation à 100 % du marché local, une fréquentation additionnelle de 6 000 en saison de la part de la population touristique.

La saison étant comme chacun le sait de plus en plus courte et se concentrant pour l’essentiel du 14 juillet au 15 août, il n’y a donc que 5 semaines de fréquentation touristique à espérer en sus de la fréquentation locale.

N’ayant fréquenté le cinéma de Quiberon qu’assez rarement, comme la plupart des Quiberonnais d’ailleurs (ce qui confirme bien évidemment l’impossibilité absolue de prétendre capter la totalité du marché local), je ne suis pas certain de ce qui suit mais il me semble qu’en pleine saison le cinéma tournait à raison de 2 séances par salle / jour et 6 jours sur 7, soient 12 séances hebdomadaires par salle et donc 12 x (106+150) places x 5 semaines = 15 360 places proposées à la clientèle.

Les 6 000 entrées touristiques représenteraient donc 39 % de ce potentiel.

Pourquoi pas ? Les jours où il pleut peut-être mais sauf à souhaiter des étés pourris (ce qui ne saurait plaire aux bistrotiers, aux marchands de soupe et aux marchands de chiffons reconvertis dans le string pour l’été) ce taux de 39 % est tout simplement irréaliste.

Le CNC nous apprend en effet que le taux moyen d’occupation des fauteuils de cinéma (TMOF égal au nombre d’entrées divisé par le nombre de fauteuils multiplié par le nombre de séances) était en 2008 de 15 %, que ce taux moyen n’a jamais atteint les 20 % de 1996 à 2008 et qu’il est en outre encore plus faible pour les petits cinémas (13,2 %).

L’on nous dira que la faiblesse générale de ce taux découle sans doute des multisalles qui multiplient les séances à toutes heures ce qui n’est pas le cas des petits cinémas mais cet argument est faux puisque dans la catégorie des grandes exploitations le TMOF est de 16,1 % en 2008, plus élevé donc que la moyenne.

Il y aurait donc un véritable miracle à ce que, en période d’été traditionnellement de faible fréquentation cinématographique, une grande marée de spectateurs vienne au soutien du cinéma communal envisagé.

Une même approche pour la fréquentation le reste de l’année, sur une base de 2 séances par salle les vendredi, samedi et dimanche, soit 6 séances hebdomadaires par salle, conduit à une offre de 6 x (106+150) x 47 = 72 192 places proposées.

Les 19 000 entrées locales représenteraient donc 26 % de ce potentiel.

Par référence au taux historique de 13,2 % du TMOF des petits cinémas, c’est un second cierge qu’il va falloir faire brûler à l’église de Locmaria pour y arriver car cette seconde approche confirme l’ineptie des hypothèses formulées tant par la commune que par l’association candidate à l’exploitation.

Au mieux, il peut être espéré 4 000 entrées touristiques et 10 000 entrées locales à plein rendement avec une programmation tiptop.

Il reste donc à examiner ce que serait dans cette hypothèse de 14 000 entrées le compte d’exploitation de ce cinéma communal.

Le CNC, une fois encore, nous donne des éléments de réponse.

La RME (recette moyenne par entrée) a été en moyenne de 6,42 € TTC en 2012, soit donc compte tenu du handicap de programmation des petits cinémas évoqué ci-avant une RME estimée à 5,23 € pour ce cinéma communal.

Cette RME de 5,23 € laisse à l’exploitant une marge brute de 2,16 € selon le schéma ci-après :

TTC                  5.23 €
TVA                 -0.27 €        5.50 %
HT                   4.96 €
TSA                 -0.56 €       10.72 %
Base film brute      4.40 €
Sacem               -0.07 €        1.52 %
Base film nette      4.33 €
Location film       -2.16 €       50.00 %
Marge brute          2.16 €

Dans l'hypothèse de 14 000 entrées (au mieux) la marge brute globale serait ainsi de 30 240 €.

Salaires et charges sociales pour 1 personne et demie (embauches évoquées dans la presse, insuffisantes d’ailleurs en été) dépassent à eux seuls ce montant.

Il y aurait donc bien déficit chronique du seul fait des embauches envisagées.

Si l’on prend l’exemple d’un cinéma communal géré en DSP (celui de Brive en l’occurrence) disposant de 3 salles l’on constate que ce cinéma communal coûte 150 000 € par an à la ville au titre de sa contribution financière à la DSP et que malgré cela le REX, nom de ce cinéma, n’atteint que 58 000 entrées (à Brive, ville de 47 000 habitants ce qui souligne s’il en était besoin combien l’hypothèse de 25 000 entrées à Quiberon est totalement irréaliste) et est en déficit d’exploitation pour 34 000 € en 2011.

RME et marge brute du Rex à 5,74 € et 2,38 € sont pourtant supérieures de 10 % à ce qui peut être espéré pour Quiberon.

Le poste salaires et charges de de ce Rex est de 206 000 € pour 7,5 emplois ETP (équivalent temps plein) nécessaires à la structure ce qui représente 0,13 ETP pour 1000 entrées alors que la prétention de Mr le Maire est de faire deux fois mieux avec 1,5 personnes pour 25 000 entrées soit 0,06 ETP pour 1000 entrées ce qui est tout simplement irréaliste.

Pour 14 000 entrées au taux de 0,13 ETP pour 1000 c’est au minimum une charge de 1,82 ETP qui devra être supportée et le poste salaires et charges sociales s’établirait ainsi à 206 000 / 7,5 x 1,82 = 49 989 € ou 3,57 € / entrée

Les TFSE (travaux et fournitures extérieures) hors location des films pèsent pour 2,45 € au Rex à Brive ce qui amène à estimer le déficit probable d’exploitation du futur cinéma communal de Quiberon comme suit :

Marge brute exploitant         2,16 €
TFSE                          -2,45 €
Salaires et charges           -3,57 €
Excédent brut d'exploitation  -3,86 €

Il convient ensuite de déduire l’amortissement des murs pris pour l’intégralité des 350 000 € du prix d’acquisition envisagé, le fonds non amortissable ne valant rien puisque qu’aucune offre n’a été faite, soit sur 20 ans une charge annuelle de 17 500 € représentant 1,25 € par entrée et enfin une provision pour risques et charges (négligeable pour une fois) de 0.01 € .

Excédent brut d'exploitation -3,86 €
Amortissements               -1,25 €
Provisions                   -0,01 €
Résultat d'exploitation      -5,12 €

Au final, hors le coût de financement de l’acquisition (un montant correspondant à celle-ci sera très probablement inclus dans ce futur emprunt destiné à l’origine à couvrir cette première folie de maison de santé), ce sont 14 000 x 5.12 = 71 680 € que vont devoir supporter chaque année les contribuables quiberonnais.

Mais pourquoi se préoccuper après tout de cette charge de plus de 1 400 000 € sur 20 ans, il n’y a vraiment pas de quoi se plaindre après tout, ce ne sont que 14,34 € par an et par habitant (bébés compris mais il n’y en a plus beaucoup) si l’on reprend la logique perverse de Mr le Maire justifiant l’an dernier son reniement en matière de pression fiscale communale.

Il est vrai que, lorsque l’on n’a pas le courage d’œuvrer pour récupérer les millions d’euros de chiffre d’affaires annuel du port de plaisance de Port Haliguen au profit des Quiberonnais, que peuvent bien peser 14,34 € par an ?

X

PS 1 :

L’on attend avec impatience un chiffrage contradictoire de Mr le Ministre des Finances de Quiberon, notre expert de Bercy.

PS 2 :

L’exploitation d’un cinéma est soumise à autorisation, autorisation délivrée par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), après que lui ait été délivrée notamment l'indication des conditions juridiques d’occupation du local.

A supposer que le conseil se prononce malgré tout favorablement sur ce projet absurde le 22 juin, les délais d’acte notarié pour cette acquisition et le délai de réponse du CNC rendent de fait impossible une exploitation commerciale cet été.

Mr le Maire a-t-il l’intention de tricher pour cet été avec une exploitation fictive par les héritiers de l’autorisation précédente, a-t-il l’intention de s’asseoir sur cette procédure d’autorisation lui qui prône la tolérance zéro pour les conduites inappropriées (stationnement et crottes de chien) ?

PS 3 :

Pourquoi un aussi long billet pour un enjeu de 14,34 € ?

Tout simplement parce que cette histoire de cinéma est véritablement symptomatique de ce qui est dénoncé sur ce blog depuis la mise en place de cette nouvelle municipalité que nous avons pourtant appelé à élire.

L’ouverture du miniplexe d’Auray (5 salles, 850 fauteuils) rend sans aucun intérêt pour les Quiberonnais le maintien d’un cinéma à Quiberon. Ni le prétexte culturel, ni le prétexte touristique ne peuvent non plus en justifier.

Seul l’intérêt des commerçants qui ne se confond pas, il faut le dire une fois de plus, avec celui des habitants est peut-être en cause.

S’ils le pensent, qu’ils payent !

Qu’ils cessent en tout cas de vouloir profiter de l’argent du contribuable à des fins qui ne le concernent ni ne le servent.

PS 4 :

Tous les conseillers municipaux ne sont pas commerçants, à Dieu ne plaise.

Ce long billet leur est donc tout spécialement adressé. Il est de bon ton à la Mairie de dire que les blogs quiberonnais sont de peu d’influence ; il est aussi d’usage de les lire sans s’en vanter.

Nous souhaitons avec ce billet leur offrir une évaluation objective et chiffrée des réalités de ce projet. Eux qui n'ont donc, comme la plupart de leurs,électeurs aucun intérêt à ce cinéma communal ont ainsi l’occasion d’y réfléchir toute cette semaine.

D’ici le conseil, nous restons à leur disposition, via le formulaire de contact de ce blog, pour leur fournir sous forme totalement anonyme toutes précisions sur notre évaluation et toutes réponses aux questions qu’elle peut leur inspirer.

La décision du sens de leur vote le 22 juin leur appartient, nul ne peut le contester. Pour autant, en tant qu’élus, ils sont comptables vis-à-vis de leurs électeurs d’un pouvoir qui ne leur est que délégué.

PS 5 :

Nous serons malheureusement absent le 22 juin et nous ne pourrons donc assister à cette séance du conseil municipal.

Nous remercions donc par avance tout lecteur qui y assistera de nous adresser un compte rendu détaillé de la séance sur cette question sujet du cinéma communal sans attendre le compte rendu officiel habituellement retardataire et édulcoré.

En termes très vulgaires nous nous demandons en effet, après une année, s’il existe dans ce conseil (dans sa majorité notamment) des hommes en ayant dans le pantalon et des femmes en ayant dans le soutien-gorge ou s’il nous faut nous résigner définitivement à une assemblée de bénis oui-oui.

Il y avait bien cette dame qui a perdu son chat mais elle n’est plus là.

PS 6 :

S'agissant du prix d'acquisition, Mr le Maire conduisait-il ainsi ses affaires lorsqu'il était chef d'entreprise : accepter de régler sans négocier un prix exorbitant pour quelque chose dont personne ne veut ce qui est précisément le cas de ce cinéma ?

PS 7 :

En considération du titre de ce billet "Folie dépensière", il nous vient à l'idée que les bigouden ont pourtant la réputation d'être assez réservés au chapitre des dépenses. Ne dit-on pas que l'on s'aperçoit qu'on est arrivé en pays bigouden lorsqu'apparaissent des cadenas sur les poubelles ?

En tout cas notre chtou local ne saurait subir lui ce reproche d'une possible pingrerie, à tout le moins s'agissant d'un argent qui n'est pas le sien.

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